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Il est vrai que, depuis le lancement de la première Véga (à moteur V8 De Soto) en
1954, la firme Facel s'est fait un nom et une réputation
dans le domaine des voitures de luxe à hautes performances, et que ses compétences
industrielles, incluant des réalisations pour l'aéronautique et la fourniture de
carrosseries à d'autres marques, sont étendues et appréciées. En 1957, alors que
Salmson et Talbot sont moribondes, il ne reste que Facel Véga pour défendre le prestige
français, aux côtés des cinq grands (Citroën, Panhard, Peugeot, Renault, Simca) et de
quelques spécialistes des sportives de petite cylindrée, tels DB et Alpine.
Ceux qui souhaitent une voiture brillante, mais de cylindrée et de coût raisonnables se
tournent vers Alfa Romeo, MG, Porsche ou Triumph, qui règnent en maitres sur les grands
marchés d'exportation, comme l'Amérique du Nord. Quant aux distributeurs Facel, en
France comme à l'étranger, ils sont persuadés qu'une petite Facel Véga élargirait
considérablement leur clientèle... C'est précisément en 1957 que Jean Daninos, le
fondateur des "Forges et ateliers de construction d'Eure-et-Loir" - d'où vient
le nom Facel -, et dynamique patron de l'entreprise décide de se lancer sur ce créneau.
Le cahier des charges prévoit de reprendre les principes de construction déjà utilisés
sur les huit-cylindres Facel : châssis tubulaire et coque soudée en acier, suspension
avant indépendante, pont arrière rigide, le tout ramené à des proportions européennes
et habillé par la maison en décapotable, avec l'élégance et le fini dignes de son
image.
Le plus gros problème est celui du moteur : consultés, les constructeurs français ne
manifestent guère d'intérèt pour le projet, quant au recours à un groupe étranger,
l'empêchement est d'ordre administratif. En ces temps pré-européens, il faut une
licence d'importation pour tout, et ce que le ministère de l'lndustrie accorde à Facel
pour les V8 d'origine Chrysler (une centaine d'unités par an) ne sera pas reconduit pour
une production aussi importante : 2.500 petites Facel sont en effet envisagées chaque
année...
II ne reste donc plus à Jean Daninos qu'à faire fabriquer spécialement en France son
moteur, dont la cylindrée devra avoisiner 1,6 litres. Il s'adresse alors à son ami Jean
Cavallier, président des Fonderies de Pont-à-Mousson en Lorraine, laquelle entreprise
fournit déjà à Facel ses boites de vitesses mécaniques et divers éléments.
Tous les deux sont amateurs de voitures à haut rendement, et n'oublient pas qu'ils ont
ensemble constitué en 1951 une sociëté d'études en vue de la rëalisation d'une GT
française à moteur six cylindres «double-arbre» de 2,8 litres, le chef de projet
moteur étant l'ingénieur Carlo Marchetti, transfuge de TalbotLago. Les études ont été
rapidement abandonnées au profit du projet Vega à moteur américain, mais des blocs six
cylindres effectivement construits il sera aisé d'extrapoler un quatre cylindres, dont la
mise au point va étre poursuivie chez Pont-à-Mousson, cependant que le châssis et la
carrosserie de la nouvelle voiture prennent corps au sein de l'atelier prototypes de
l'usine Facel de Colombes, sous la direction de l'ingénieur en chef Jacques Brasseur.
Fin aoüt 1958, la Facellia - son nom a été adopté d'emblée, peut-être pour sa
consonance italienne, comme Aurelia ? - est prête à prendre la route, et entame une
série d'essais, notamment en Suisse : à l'exception de la calandre, son apparence
est quasi définitive. Mais ce n'est que le 28 septembre 1959 qu'elle fera sa première
officielle sur la scène parisienne, précisément au musée Tacquemart-André boulevard
Haussmann, devant la presse et de nombreuses personnalités, dont un parrain célèbre :
Stirling Moss, déjà client de Facel. Quelques jours plus tard, le grand public la
découvre au 46e Salon de Paris, dont elle est une des plus
importantes nouveautés.
Effectivement, la Facellia a de quoi séduire : par sa ligne d'abord, rappelant sa
grande soeur HK 500, avec ses phares superposés et sa calandre en trois éléments.
affinée par un capot plongeant et des ailes arrière se terminant en aréte. Le coup de
crayon inspiré du patron Jean Daninos se reconnait là, lui qui avait toujours eu un
penchant pour les autos élégantes, depuis les Citroën très spéciales du temps de son
activité au département carrosserie de Javel...
La finition, de haut niveau, dénote un certain souci d'originalité, avec des enjoliveurs
de bas de caisse en aluminium strié, un tableau de bord dans le style aviation cher à la
marque, gainé de cuir noir et des sièges formés de rouleaux de mousse.
Quant à la description mécanique, elle est plutôt alléchante : double arbre à cames
en tète, chambres de combustion hémisphériques, deux carburateurs, 115 chevaux réels,
une boite entièrement synchronisée, quatre freins à disque (présentés comme une
option), et une vitesse de pointe dépassant 180 km/h.
La nouvelle sportive française se place d'emblée comme l'une des plus brillantes 1600 du
marché, et le prix annoncé (moins de deux millions d'anciens francs) la place
particulièrement bien face aux modèles importés. Avec près de 1.000 commandes
enregistrées en quelques semaines. sur la foi du catalogue et de succincts galops d'essai
dans la presse, le succès semble donc assuré.
Le second prototype, portant le numéro de série A 101, est présenté aux Mines comme
Type FA le 15 mars 1960, le centième exemplaire de série est prèt au mois de juin
suivant...
Les moteurs sont alors assemblés et testés sur banc à l'usine Facel de Puteaux, à
partir d'éléments usinés chez Pont-à-Mousson, qui fournit également la boite
complète ; le montage de la voiture se fait à Colombes, la peinture et la sellerie à
l'usine de Dreux.
Toutes les voitures livrées jusqu'à l'automne 1960 sont des cabriolets, avec ou sans le
hard-top optionnel ; au passage en série, les freins à disque sont devenus monte
standard, et les deux carburateurs ont été remplacés par un unique Solex double-corps.
Les registres de sortie d'usine font état de quelques personnalisations : peintures ou
selleries spéciales, glaces teintées, jantes aluminium, planche de bord imitation bois
selon la fameuse recette «maison», tandis que les peu discrets enjoliveurs de bas de
caisse sont omis sur un certain nombre de voitures, avant de disparaitre totalement.
Au Salon de Genève, en mars, Jean Daninos avait annoncé la sortie prochaine d'un coupé,
et à celui de Paris, en octobre 1960, la Facellia est exposée sous trois formes : le
cabriolet déjà connu, un coupé 4 places avec glaces de custode (fixes) et sièges
arrière, plus un coupé 2+2 se présentant comme un cabriolet avec hard-top soudé, doté
de places de secours à l'emplacement de la capote ; cette demière version sera de loin
la plus rare.
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Au Salon de Genève, en mars, Jean Daninos avait annoncé la sortie prochaine d'un coupé, et à celui de Paris, en octobre 1960, la Facellia est exposée sous trois formes : le cabriolet déjà connu, un coupé 4 places avec glaces de custode (fixes) et sièges arrière, plus un coupé 2+2 se présentant comme un cabriolet avec hard-top soudé, doté de places de secours à l'emplacement de la capote ; cette demière version sera de loin la plus rare. |
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Le coupé 2+2, ramassé et élégant, n'était en fait qu'un cabriolet équipé d'un hard-top soudé. La place libérée par l'emplacement de la capote permettant l'installation de deux minuscules places. |
Planche de
bord imitation bois selon la fameuse recette «maison»
Bien que civilisée, la mécanique Facellia offre un potentiel intéressant, ce que
Jean Daninos lui- mëme va démontrer en battant le 17 mai 1960 sous le contrôle du Royal
automobile-club de Belgique, le record du km lancé en catégorie GT plus de 1600, à
193,340 km/h ; la voiture en question est équipée de deux carburateurs et de carénages
de phares, bientôt livrables à la clientèle.
Un coupé 2+2 préparé par l'usine est livré au champion néerlandais Maurice
Gatsonidès, qui, associé à son compatriote van Noordwijk, s'adjuge une victoire de
classe au Rallye de Monte~Carlo 1961. La mème année, Hugues Hazard est premier de sa
catégorie au Rallye de Lorraine, tandis qu'Annie Soisbault et Michèle Cancre prennent la
seconde place de la Coupe des Dames au Tour de France automobile.
Mais entre-temps, plusieurs clients ont fait la douloureuse expérience de bris de piston
par surchauffe, sans parler de consommation d'huile excessive. L'image de la marque va
beaucoup (et durablement) en souffrir, bien que le service après-vente se démène pour
faire l'échange, tandis que des modifications sont étudiées d'urgence, tant par les
techniciens de Pont-à-Mousson que ceux de la société Le moteur modeme, où
collaborent Charles Deutsch et Jean Bertin.
Le résultat de leurs travaux apparaît sur le type F 2. présenté aux Mines le 13
février 1961 et mis immédiatement en fabrication. Outre un refroidissement amélioré et
diverses améliorations au bénéfice de la fiabilité, la Facellia F 2 adopte des
poignées de portes conventionnelles, de nouveaux sièges et un orifice de réservoir
extérieur au lieu de l'aberrant bouchon au centre de la roue de secours...
Le catalogue annonce avec optimisme que la puissance est passée à 120 chevaux (SAE ?) et
mentionne une version F 2 S à deux carburateurs Weber, donnée pour 126 ch. mais bien que
passée aux Mines et essayée par des revues étrangères, cette Facellia Sport ne semble
pas avoir été commercialisée.
Dans les catalogues préparés pour les saisons 1962 et 1963, les trois formes de
carrosserie sont toujours programmées, mais pratiquement, seul le coupé 4 places
continue à sortir après le printemps 1962.
Les ventes se sont en effet sensiblement ralenties, aggravant une situation financière
déjà précaire dans une entreprise en pleine mutation, ayant dû accepter des
participations extérieures, notamment de la Mobiloil Française, laquelle société
impose en août 1961 un nouveau président pour Facel, Jean Daninos restant
vice-président et directeur technique.
En janvier 1962, la nouvelle direction publie un maladroit communiqué reconnaissant les
défauts des premières Facellia, avec pour conséquence immédiate une vague de retours
en garantie, et l'effondrement de la trésorerie, au point que le conseil d'administration
en arrive à demander la liquidation amiable de la firme en juillet 1962. Le tribunal de
commerce autorise cependant la continuation de l'exploitation, nommant le polytechnicien
Jacques Persin directeur général.
La Facellia est donc présente au Salon parisien d'octobre - désormais à la Porte de
Versailles - à côté de la prestigieuse Facel II, mais elle n'est plus qu'en sursis...
Toujours décisionnaire sur le plan technique et aussi commercial, Jean Daninos doit se
résoudre à abandonner le moteur Pont-à-Mousson irrémédiablement compromis auprès de
la clientèle et à chercher un propulseur aux prestations équivalentes chez un
foumisseur étranger.
Il va le trouver chez Volvo, dont la réputation de solidité est bien établie. Dans sa
version à B 18 B à deux carburateurs SU, telle que montée sur le coupé P1800, il n'est
guère moins puissant que le double-arbre et les performances en seront pratiquement
inchangées ; de plus l'adoption de la boîte Volvo permet de disposer d'un overdrive fort
agréable en usage autoroutier.
Passé aux Mines le 11 avril 1963 comme type FB et mis aussitôt en vente sous la
désignation commerciale Facel III, le nouveau modèle est à peine plus cher, en coupé 4
places comme en cabriolet, que la Facellia désormais abandonnée (le coupé 2+2
«hard-top soudé» n'est plus au programme, bien qu'un exemplaire soit actuellement
recensé).
Les ventes sont relancées, en France du moins, car de grands marchés d'exportation, les
Etats-Unis en premier lieu, n'en recevront que fort peu...
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Si les trains roulants sont inchangés, la carrosserie est quelque peu retouchée : la calandre reprend le style de la Facel II, avec une grille centrale et deux enjoliveurs latéraux, les phares sont des Marchal «Mégalux» sous parabole en verre, Ies feux arrière sont circulaires et disposés sur la jupe, les ailes arrière sont adoucies et le couvercle de malle arrondi, enfin, le décor bois de la planche de bord est généralisé. Dix couleurs de caisse sont offertes, et trois de sellerie : noir, beige clair ou rouge, en simili ou tout en cuir sur commande. |
L'horizon semble alors s'éclaircir pour Facel, d'autant plus que l'administrateur
judiciaire propose, avec la bénédiction des Pouvoirs publics, la reprise des usines
Facel, sous forme de locationgérance, par la société aéronautique SFERMA, présidée
par Paul Badré. Ce demier, passionné lui aussi de belles autos - il avait méme fait
réaliser par Le moteur modeme un 4 cylindres 1,6 l à haut rendement, expérimenté sur
une Facellia - délègue Henri Berge à la direction générale de Facel, en conservant à
jean Daninos ses responsabilités techniques, notamment dans la conception de futurs
produits.
Un modèle intermédiaire entre la Facel III et la Facel II, donc à six cylindres, est
depuis longtemps envisagé : la situation le permet, en faisant encore une fois appel à
la production étrangère, puisque aucun moteur de ce type n'est alors fabriqué en
France. Des négociations sont alors entamées avec Leonard Lord, le grand patron de la
British Motors Corporation, pour obtenir des groupes complets d'Austin-Healey 3000, dans
la version à alésage réduit spécialement réservée pour la France, afin de rester
dans la limite fatidique des 16 CV fiscaux. Ce moteur a fait ses preuves sur piste comme
sur route, et il est disponible à un prix intéressant, à peine supérieur à celui du
quatre cylindres Volvo...
L'adaptation au chassis existant ne pose guère de problèmes, si ce n'est un
allongement du porteà-faux avant et de nouveaux tarages de suspension. La boîte est de
nouveau une fabrication Pont-à-Mousson, mais le montage de la boite BMC avec overdrive
est possible. L'équipement de série comprend la sellerie en cuir et, pour la première
fois sur les petites Facel, des roues fil à blocage central, fournies par Borrani ou
Dunlop.
La présentation à la presse a lieu le 20 mai 1964, bien que la réception aux Mines soit
reportée en juillet, et les livraisons prévues à partir de septembre. Affichée à
32.950 F en cabriolet et à 34.900 F en coupé 4 places, la Facel 6 est certes nettement
plus chère que la Facel III, mais elle se place très favorablement en regard de certains
coupés italiens ou allemands.
En dépit d'un train avant plus chargé, son comportement routier est jugé très correct
et ses performances satisfaisantes, puisque qu'elle frole la barre magique des 200. Mais
la fin brutale de l'aventure Facel va compromettre sa carrière et empécher une suite
prometteuse.
Jean Daninos avait en effet confié à l'ingénieur anglais Harry Mundy l'étude d'un
moteur inédit : un V6 de moins de 3 litres à quatre arbres à cames en téte, mais cette
«Dino à la française» restera sur le papier.
En septembre 1964, la SFERMA (filiale de Sud-Aviation, donc nationalisée) se voit refuser
par le ministre des Finances la prorogation de son contrat : Facel est donc contraint de
fermer ses portes au 31 octobre, après une ultime participation symbolique au Salon de
Paris. avec interdiction de prendre de nouvelles commandes...
Il reste alors quelques Facel 6 en cours de fabrication : certaines ne seront finalement
immatriculées qu'en 1965 voire 1966, mais la production s'est limitée à une
trentaine d'exemplaires, dont le coupé 2+2 réservé à M. Daninos.
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